Premier rendez-vous au clair de lune [PV Mystère des Oracles]

Ça y était. La lune était haute dans le ciel, minuit approchait. Je sortis silencieusement de ma tanière, tous les sens aux aguets. Personne ne savait que je sortais en douce la nuit, mais je ne faisais que cheminer seul, comme je le faisais à l'époque d’Étoile Sombre.  Qui y avait-il de mal ?
Je sortis par le tunnel auxiliaire. La lune éclairait mon chemin, le vent frais de la nuit caressait mon pelage. J'avançais doucement, à un rythme régulier, déposant doucement mes coussinets sur le sol hérissé d'épines de pins. La nuit était mon moment favori de la journée. Pas étonnant que je m'appelle Mystère des Oracles...
Les senteurs du champ fleuri empreignirent bientôt mes narines. De là où j'étais, je ne voyais pas encore l'immensité de couleurs s'offrir à moi. Là où je marchais, mon père y marchait il y avait de cela quelques années au moins. Avant de m'abandonner lâchement. Un acte horriblement cruel.
Puis une autre odeur me parvint, lorsque j'arrivai à cet arc-en-ciel de fleurs, rendu sombre à cause de l'obscurité. Une silhouette s'approchait lentement de moi.
Plume du Temps.
Un frisson glacé parcourut mon échine. Je sentis mes oreilles chauffer. Elle avançait d'un pas peu assuré et, lorsqu'elle fut là, tout près de moi, elle souffla doucement :

- Bonjour... Mystère des Oracleuh... Tu m'as man-qué...

J'ouvris de grands yeux écarquillés. Maintenant, c'était mes joues qui flambaient. S'il faisait jour, ç'aurait été flagrant. Mais la nuit, on ne voyait rien.

-Que fais-tu ici ?lâchai-je d'un ton impassible malgré mon cerveau en ébullition.

Un vent glacial agita le champ et Plume du Temps frissonna. Ses poils courts ne la protégeait que très peu. Avec le vent, ils s'ébouriffaient et lui donnaient un drôle d'air. Comme un ours.
Non, je plaisante. Les ours étaient plus sauvages, plus féroces et plus moches.
Qu'est-ce que je parle d'ours encore moi ._.
Bref, pour en revenir au moment présent, Plume du Temps demeura muette durant quelques secondes, puis osa dire d'une toute petite voix :

 Je veux savoir ce que tu ressens pour moi.

Je ne sus que dire. Immobile, je restais la fixer comme un gros débile, à court de mots. Je me demandais moi-même ce que j'avais, alors que lui répondre ? Avais-je des sentiments pour elle ? Troublé, je baissai les yeux et fermai quelques instants les paupières, avant de les rouvrir et de fixer la lieutenante ennemie droit dans les yeux.

-Et toi ? Que ressens-tu à mon égard ?

L'air horriblement gêné, Plume du Temps balbutia :

 Et ben... euh... C'est...à-dire que... Je crois, je ... pense... ben. En-fait...

Je plissai les yeux, l'encourageant à poursuivre, même si je me doutais déjà de la réponse. Une lueur affolée brillait dans ses yeux. Elle craignait que je lui saute dessus peut-être ?


C'est... deuh... l'a-mou-r...

Aaaah...d'accord, songeai-je bêtement, bouche bée. Quelqu'un m'aimait ?! Quoi, c'était possible ? C'était possible ? Vraiment ? Vraiment possible ? Qu'est-ce que j'avais d'attirant ? J'étais stupide, froid, distant, désagréable !

-tu es pas sérieuse làdis-je dans un souffle étouffé, comme paralysé sur place, comme si j'avais les pattes enfoncées dans la terre, comme si je ne pouvais plus m'enfuir. Je repris, d'une voix plus étouffée encore : Tu te moques de moi. Personne ne m'a jamais aimé. Personne. Alors pourquoi toi...?

 Je ne le sais pas... Et toi m'aimes-tu ?

Je n'osai pas répondre aux premiers abords. J'avais peur d'être jugé. Mettre mes sentiments sur une table était très difficile et pourtant, je devais l'admettre.

-Je pense oui, dis-je d'un ton presque normal, comme si rien de plus pouvait m'étonner, avant de me rendre compte de ce que j'avais dit. Un horrible pincement s'installa dans mon estomac, si puissant que j'avais l'impression d'être compressé. J'avais envie de m'enfoncer six pieds sous terre.

J'avais la gueule sèche. Les yeux de Plume du Temps brillaient, elle avait si peur que je la rabroue. Son sourire me réchauffa le cœur malgré le vent glacial. Elle tremblait de froid...mais peut-être d'appréhension aussi. Peut-être guettait-elle ma réaction. Je n'avais pas le temps de dire quoi que ce soit car elle m'avait déjà devancé :

Oracles ? Tu as une histoire bien... mystérieuse. Quelle est-elle ?

La question fatale. La question qui ne fallait jamais me poser. Ma fourrure se dressa sur ma nuque, je ravalai un feulement irrité.

Qui te l'a dit ?grognai-je entre mes dents, crispé.

C'est Etoile de Miel, mais pas seulement, des bruits  courent sur une histoire douloureuse qui t'aurais rendu si froid, si glacial. Si tu ne veux pas me la dire je ne te forcerais pas, mais j'aimerai l'entendre

Mon histoire. Un terrible évènement du passé qui se déroulait pourtant encore. Je n'étais pas le seul à avoir eu un passé douloureux. Onde Glacée était comme moi. Je ne jugeais pas, mais je savais qu'il avait l'ambition de devenir lieutenant. Mais lui, c'était pire. Sa compagne était la chef elle-même, celle qui avait précédé Étoile de Pomme, elle-même suivie d’Étoile de Vive[j'invente le nom hein !]. Il tenait sa chance, avec Étoile de Crystal. Bientôt, elle choisirait son lieutenant. J'espérais que ce serait lui, car nous étions de bons amis, dans le fond.

-Pourquoi mon histoire t'intéresserait-elle ?, demandai-je encore bêtement, déçu à l'avance de la réponse.

 
Euh... Je veux savoir si les rumeurs disent vrai. Et par la même occasion te connaître plus.

Je soupirai de tristesse. Je n'avais aucune envie de revenir sur mon passé mais, peut-être était-elle la personne la mieux placée pour m'aider à enterrer tout ça une bonne fois pour toutes.

Si tu insistes.je serrai les dents, une vague de nostalgie empreignit mon cœur et je dus lutter pour refaire surface. Ainsi, je commençai à narrer mon histoire :
Je n'ai jamais connu mes parents. Je suis né dans la forêt et le Clan de l'Ombre m'a recueillit. J'étais assez vieux pour démarrer mon apprentissage, d'ailleurs j'avais bien une ou deux lunes de retard. Les apprentis ne cessaient de se moquer de moi. Je refusais d'avoir un mentor, je voulais leur prouver ma force, je voulais leur montrer que je n'étais pas faible. J'étais bien décidé. Au début, j'étais mal, très mal parti. Ils ne cessaient de se moquer de moi et j'avais les trois quarts du Clan à dos. Je restais toujours seul, face à moi-même, face à toutes ces questions qui m'empoisonnaient l'esprit. J'étais triste, très triste. Puis, je me mis à suivre les apprentis en cachette. Je me mis à mimer leurs gestes, le plus précisément possible. J'étais très doué, j'apprenais très vite et je maîtrisais les mouvements encore mieux qu'eux. Malheureusement, tout ça s'est mué en orgueil car je repensais à mes parents, qui m'avaient lâchement abandonnés. Je ne pardonnais plus jamais à ceux qui s'étaient moqués de moi.  C'est à dire presque tout le monde. Je ne suis toujours pas prêt à leur pardonner, ça, non. Jamais. Et aujourd'hui, je suis devenu lieutenant. Aujourd'hui, ma lutte est devenue utile et on me respecte. Aujourd'hui, je suis différent.

 Moi, j'ai connu mon père (mort au combat), ma sœur (morte de faim), mon frère (mort comme mon père) et ma mère (mystérieusement disparue). Mais bon, si tu m'aimes comme je t'aimes je ne pourrais pas passer 7 nuits sans te revoir. Mais où se retrouver ?

J'esquissai un sourire triste. Pouvions-nous nous aimer ? Quelle question...si Étoile de la Nuit et Étoile de Menthe l'apprenaient...ce serait la grosse catastrophe de toute l'histoire. Mais bon, je n'avais pas envie de renoncer à ce rêve, pas envie de souffrir, j'en avais marre de la douleur. C'était mon ennemie de toujours, je n'avais pas envie qu'elle revienne encore une fois !

Pourquoi pas à l'île aux assemblées ? Entre les quatre frontières..., suggérai-je dans un haussement d'épaules.

Oui mais quand ?
 
Je n'avais pas le temps de répondre qu'elle s'était déjà blottie contre moi. Mes oreilles chauffèrent et je sentis le sang battre à mes tempes. Pourtant, cela ne me gênait en rien. Au contraire, je frôlai son museau et murmurai :

-Quand tu veux